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Rendez-vous manqué au Rwanda?

«Le Rwanda a rendez-vous avec l’avenir.» Le titre, un peu pompeux, de notre série d’articles sur le développement dans ce petit pays témoigne d’une volonté de montrer une image positive du continent noir, celle d’une Afrique triomphante.

Si l’enthousiasme à éviter les clichés misérabilistes à propos des pays d’Afrique subsaharienne est légitime, il ne doit pas empêcher d’être lucide. Certes, le pays des mille collines a fait des progrès fulgurants –aller à Kigali suffit pour s’en convaincre–, mais ceux-ci profitent-ils réellement à la population?

Considéré comme le septième pays le mieux géré du monde et le sixième en matière d’égalité homme-femme par le World economic forum, le Rwanda est surtout adoubé par des institutions emblématiques d’une mondialisation ultralibérale et inégalitaire. Des trophées qui sont tout autant d’artifices pour farder une réalité moins reluisante.

Alors que le gouvernement s’équipe de drones autonomes pour livrer les hôpitaux et de 4G dans les bus de la capitale, la pauvreté, elle, n’a que peu baissé. Le pays se place au 166e rang du classement mondial du PIB par habitant, soulignant un décalage important entre les desseins futuristes du président de la république, Paul Kagamé, et la réalité du terrain.

Aux droits économiques s’ajoute la problématique des droits démocratiques et des libertés fondamentales. La presse indépendante n’existe pas, les disparitions d’opposants politiques – ce qu’il en reste – sont fréquentes. Le malaise est omniprésent et la répression n’est jamais bien loin.

Faut-il pour autant jeter aux orties les politiques menées jusque-là? Malgré son autoritarisme, Paul Kagamé a eu le mérite d’investir les deniers publics pour améliorer les infrastructures du pays, plutôt que pour son enrichissement personnel.

Vingt-deux ans après le génocide, le Rwanda dispose d’un réseau de santé performant et d’un système éducatif efficace, faisant passer le taux d’alphabétisation à 70%, contre 55% en 1994.

Les universités champignonnent et permettront peut-être à la jeune génération – 40% de la population a moins de 15 ans – de tenter d’amorcer un tournant démocratique. En 2017, Paul Kagamé sera vraisemblablement réélu pour un troisième septennat avec un score soviétique. Sept longues années qui laisseraient mûrir les aspirations des jeunes. Si le Rwanda a rendez-vous avec l’avenir, ce dernier a pris un peu de retard.

International Opinions Actualité Édito Mohamed Musadak

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