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Accueillir les migrants

Prolongeant la réflexion sur la fermeture des abris PC à l’usage des migrants, Denise Adler estime qu’ils doivent rester des mesures d’urgence: «ni prolongées à l’excès, ni refusées [à] des fugitifs en détresse».
Réaction

A la lecture de l’article «Vider les bunkers…» dans le Courrier du 28 janvier 2017, une question m’est revenue à l’esprit: si tous les abris PC sont fermés, est-ce que cela signifie que le nombre de migrants que nous pourrons accueillir dans notre canton va être revu à la baisse?

Cette question posée il y a plus de deux ans, lors d’un débat suivant un film, n’avait pas reçu de réponse. Elle semble plus que jamais d’actualité, à l’heure où les migrants morts de froid sur la route des Balkans viennent alourdir le tragique bilan des morts en Méditerranée et des décès dans des camps surpeuplés et mal équipés au Sud de l’Europe.

Le bon sens conduirait plutôt à chercher, accepter, réaffecter et/ou construire plus activement des solutions en surface, avant de fermer les abris devenu inutiles. Il est à craindre que des suppressions anticipées, alors que des solutions alternatives ne sont pas disponibles en suffisance et dans l’immédiat, soient associées à une recrudescence des refus et des renvois, ce que nous devons éviter à tout prix. En effet, il est à craindre de nouveaux drames lors de déplacements ou de retours forcés prématurés.

Dans les abris PC, les besoins vitaux sont assurés et il fait bon chaud. En quoi la situation est-elle insupportable au point de motiver une décision précipitée? Il m’est arrivé d’être logée dans un grand dortoir sans fenêtre (un fort de Vauban en Bretagne) ou en lits superposés à deux ou trois étages (à la montagne ou en bateau). Pendant quelques semaines, pas de problème. Lorsque les six mois annoncés se prolongent au-delà d’une année, cela devient de plus en plus difficile. L’urgence a ses limites. Ceux qui subissent ces conditions, essayant de comprendre et de s’adapter à notre culture et à nos coutumes, peuvent penser que nous avons «une autre temporalité»…

Je suis convaincue que la dignité n’est pas située dans les bâtiments mais dans les relations humaines et la responsabilité de chacun. Dans plusieurs communes, une mobilisation positive des autorités, de la population et d’ONG a procuré aux habitants d’abris des occasions de partager des activités en surface pendant la journée: accueil dans des locaux associatifs, cours de français, sport, jardinage, repas, visites, concerts ou atelier d’informatique, l’intégration a débuté dès l’arrivée. En retour, ils ont contribué à la bonne ambiance par leur attitude souriante, serviable et leur participation aux activités locales.

En conclusion, les abris en sous-sol doivent rester des mesures d’urgence: ni prolongées à l’excès, ni refusées lorsque des fugitifs en détresse à nos frontières ou en Europe cherchent une terre d’asile. Pouvons-nous amputer notre capacité d’accueil de 320 places (nombre de migrants logés en abris PC en début d’année) avant que de meilleures solutions soient disponibles? Nous avons à Genève et en Suisse un potentiel d’amélioration. Parmi les pistes, les bénéficiaires ne demandent pas à être assistés davantage, mais souhaitent s’impliquer, par exemple en cuisinant eux-mêmes. Certains pourraient être logés par leur famille ou des connaissances déjà installées en Suisse.

S’y opposer en invoquant des normes de confort devient de plus en plus discutable au vu de la situation dans le monde. Il est essentiel de lire les règlements de Dublin1 value="1">http://bit.ly/2ku6qXh en entier. Ils servent trop souvent de prétexte à des renvois. Il est indispensable d’appliquer aussi les dispositions de compassion et les dérogations visant à favoriser le regroupement familial, ou accueillir des personnes vulnérables. Gardons ceux qui ont ici des proches disposés à les accueillir. Quant aux communes ou groupes d’habitants qui s’opposent ou créent des obstacles, je les invite à se renseigner sur les réalités de l’asile et à dépasser leur réticences.

Les migrants peuvent apporter beaucoup à notre société. Il vaut mieux être partie prenante de solutions que d’un problème!

Notes[+]

* Bellevue (GE).

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