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L’âge idéal d’un bon président

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Quel est l’âge idéal pour être un bon président? Ou: y a-t-il une limite d’âge pour accéder à la magistrature suprême? La question se pose sous toutes les latitudes, et chaque pays y apporte sa propre réponse. Cette semaine, une infographie intitulée «Afrique: des chefs d’Etat de plus en plus vieux» a connu un certain succès sur les réseaux sociaux. On y apprend en effet que le Congo, l’Ouganda, le Malawi, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Liberia, le Nigeria, la Guinée-Equatoriale, l’Angola, le Mali, la Namibie et l’Afrique du Sud sont dirigés par de fringants septuagénaires; hormis le président algérien Abdelaziz Bouteflika, 79 ans, maintenu au pouvoir envers et contre tout malgré un état de santé déficient.

Du coup, un chef d’Etat septuagénaire paraîtrait presque jeune à côté des 84 ans du président camerounais Paul Biya, du président tunisien Béji Caïd Essebsi, 90 ans; ainsi que du champion toutes catégories Robert Mugabe, toujours président du Zimbabwe à 93 ans! On peut également rappeler que Nelson Mandela fut élu président de l’Afrique du Sud à l’âge de 77 ans, que Ronald Reagan avait 70 ans lorsqu’il devint président des Etats-Unis, tandis qu’à Cuba, Raoul Castro, frère de Fidel, affiche 85 ans au compteur. Durant la campagne présidentielle française, l’âge d’Alain Juppé, qui aura 72 ans en août 2017, fit l’objet de nombreuses critiques. Tout comme le très jeune âge d’Emmanuel Macron, 39 ans, qui brigue lui aussi la présidence française en 2017, accusé de manquer d’expérience.

Bref, la question de l’âge du capitaine enflamme régulièrement la scène politique, sur le continent africain, comme sous d’autres cieux. Ce qui frappe cependant en Afrique, c’est la grande différence d’âge entre les vieillards qui sont aux commandes et la grande majorité de la population, dont la moyenne d’âge se situe autour de 20 ans. Le grand âge y est certes souvent perçu comme un gage de sagesse et d’expérience. Reste à savoir si des présidents aussi âgés ont encore assez d’énergie, une santé suffisamment bonne, pour relever les défis qui les attendent, trouver des solutions aux innombrables problèmes qui les assaillent chaque jour, tout particulièrement ceux auxquels la jeunesse de leur pays est confrontée, alors que plus d’un demi-siècle les sépare.

Sur Facebook, parmi les commentaires relatifs à l’âge avancé des chefs d’Etat africains, l’un d’eux donne à réfléchir: «Si l’Afrique était entre les mains de sages, leur âge n’aurait pas d’importance. Mais si le sort de ce continent doit basculer du côté de jeunes aussi corrompus que leurs aînés, on n’aura pas gagné!». Il semble en effet que l’âge avancé des élus, qu’il s’agisse du président, des ministres ou autres députés, n’est pas une garantie pour les empêcher de succomber à la tentation de la corruption, véritable fléau qui gangrène de nombreuses sociétés.

Aux yeux de certains, il est encore davantage choquant d’imaginer qu’une personne d’un certain âge, au bénéfice d’une grande expérience – et donc, en principe, d’une certaine sagesse – continue à puiser dans les deniers publics à des fins personnelles. Pour comprendre la tourmente qui plombe le candidat français François Fillon, 63 ans, gageons que cet aspect explique également le rejet dont il fait l’objet.

A l’inverse, le très jeune Thomas Sankara, arrivé au pouvoir au Burkina Faso à 34 ans, assassiné à 38 ans, avait la sagesse, l’expérience, le charisme d’un vieux; sa volonté de lutter contre la corruption, de briser les liens peu avouables liant son pays à la France, sa farouche volonté d’indépendance, lui ont coûté la vie. Mais sa posture a fait de lui une icône à laquelle on continue de rendre hommage. Autre personnalité arrivée à 30 ans au pouvoir, Joseph Kabila, président de la République Démocratique du Congo, ne semble par contre guère décidé à quitter un trône qu’il occupe depuis quinze ans. Une nouvelle preuve, s’il en était besoin, qu’en matière de «bonne gouvernance», ce n’est pas l’âge le plus important.

*Journaliste, SWISSAID (l’opinion exprimée ne reflète pas nécessairement celle de SWISSAID).

Opinions Chroniques Catherine Morand

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lundi 8 janvier 2018

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