Édito

Plumes de théâtre essentielles

Dix ans déjà que Le Courrier promeut un vivier de plumes contemporaines et met la littérature suisse en avant. Un lundi sur deux, le texte inédit d’un-e auteur-e helvétique ou résidant en Suisse paraît en dernière page du journal. Dès aujourd’hui, et pour plusieurs étés, nous élargissons notre champ de publication à l’écriture dramatique, dont l’économie du livre est moribonde chez nous, en comparaison du voisin français qui demeure souvent l’unique carte à jouer pour être édité.

Reste que la saison estivale est propice pour évoquer le théâtre, miroir des dérapages et dérives du monde, à l’approche d’un des plus grands festivals, créé il y a 70 ans à Avignon, et dirigé par Olivier Py.  A son arrivée il y a quelques années, des auteures s’estimant mises à l’écart par sa programmation fortement masculine se sont unies sous le sceau des Intrépides, parrainées par la Société française des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).

C’est sous la houlette de la SACD que cinq auteures françaises se sont vu demander d’écrire une courte pièce sur un thème imposé, celui du courage, dans le cadre des 3e Intrépides. Pour la première fois, une Suissesse participe à cette aventure féminine, qui s’est soldée par une publication (à l’Avant-scène théâtre), et se prolongera par un débat ce soir au Théâtre Antoine, à Paris, sur l’égalité femme-homme dans le spectacle vivant. Julie Gilbert consacre l’essentiel de ses écrits à la question de l’exil et au monde du travail. Elle a répondu à cette commande d’écriture par un portrait fictionnel de Yasmine Motarjemi, ancienne cadre de Nestlé en procès contre le géant de l’alimentation après avoir dénoncé moult scandales, dont celui des bébés étouffés par des biscuits de l’enseigne qui affiche des milliards de bénéfices annuels (notre édition du 2 décembre).

Julie Gilbert lira ce texte poignant, J’aurais aimé avoir un flingue, écrit en hommage à cette femme de valeur, ce lundi soir au Théâtre Antoine, avec ses cinq comparses, puis à Avignon en juillet, avant Genève en novembre. Elle inaugure ainsi notre nouvelle série d’inédits théâtre en page 12, en partenariat avec la Société suisse des auteurs.

Dans Monologue pour un dealer de ma rue, l’auteure genevoise pointe un regard touchant sur les Noirs sans papiers qui peuplent son quartier des Pâquis, où ils vivotent tant bien que mal, «planquant leur came dans les préaux des écoles». Un regard essentiel qui croise celui porté par notre journal sur le monde. Un regard qui résiste aux contingences de notre temps. Un regard humaniste et nécessaire, que nous voulons soutenir pour le maintenir vivace.

Opinions Suisse Édito Cécile Dalla Torre

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