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A rebrousse-poil

En mai 2014, le peuple suisse refusait en votation l’achat de 22 avions de combat suédois «Gripen», pour un coût de 3,126 milliards de francs. Les partisans de cette dépense avaient pourtant répété, martelé, qu’elle était absolument indispensable pour assurer la sécurité de la Suisse!

Attaqué de toutes parts, sentant le sol se dérober sous ses pieds, le conseiller fédéral Ueli Maurer a eu beau se jeter à corps perdu dans la bataille, rien n’y a fait. Même le pathétique petit chalet sans toit symbolisant notre pays privé d’aviation de combat qu’il a présenté – kolossale finesse – dans ses dernières interventions n’a pas eu l’effet pédagogique escompté1 value="1">Dans un documentaire passionnant, La bataille du Gripen, le cinéaste Frédéric Gonseth retrace les mois et les semaines qui ont précédé cette votation..

Chassez une dépense d’armement par la porte, elle revient par la fenêtre!

Trois ans après ce rejet populaire, le chef du Département militaire, Guy Parmelin, remet la compresse: il faut de toute urgence prévoir le remplacement de nos avions vieillissants. Seuls de nouveaux appareils permettront la défense complète du pays!

A l’époque du Gripen, j’avais écrit quelques lignes dans le bulletin du POP vaudois Résistance. Je ne prétendais pas me prononcer sur les coûts ou les avantages techniques de tel ou tel modèle, non! Je me bornais à regarder naïvement à quoi avaient servi, dans le passé récent, les forces aériennes de pays petits attaqués par des plus gros. Les faits historiques n’ont pas changé, et cette question de fond reste d’actualité. Rappel…

Mais d’abord, je demandais des comptes à Monsieur Christoph Blocher qui, avec sa sagacité coutumière, avait prétendu dans la presse que les opposants au chasseur suédois étaient secrètement financés par les concurrents de cet avion. Opposant moi-même, je lui signalais que je n’avais pas besoin d’être payé pour me forger une opinion, qu’il m’insultait en prétendant que je touchais des pots-de-vin, et que j’attendais donc ses excuses. Je n’ai encore rien reçu à ce jour…

Pour ce qui est de l’utilité des forces aériennes, le résultat était amusant:

• 1991, Irak, première guerre du Golfe. Pour éviter la destruction de son aviation par les forces étasuniennes, Saddam Hussein lui ordonne de se réfugier en Iran. Ce qu’elle fait. L’aviation irakienne n’a servi à rien. (Détail piquant: l’Iran refusera ensuite de rendre ces avions à son voisin!);

• 1999, intervention de l’OTAN au Kosovo et en Serbie. Repérés dès leur envol par les Awacs alliés, les quelques Mig-29 et 21 serbes ayant osé prendre l’air ont été mis en fuite ou abattus en vol. L’aviation serbe n’a servi à rien;

• 2003, Irak, deuxième guerre du Golfe. Dans le but de protéger ce qu’il lui reste d’avions, Saddam Hussein les fait enterrer. L’aviation irakienne n’a servi à rien;

• 2011, Libye. Dans les premiers jours de l’insurrection populaire, Kadhafi utilise son aviation pour tirer sur son propre peuple. Dès que la zone d’exclusion aérienne est décrétée par la coalition internationale, plus aucun avion du dictateur ne sort des hangars. Sauf à massacrer des civils, l’aviation libyenne n’a servi à rien;

• 2013, Syrie. Depuis le début de la révolte, l’aviation de Bachar el-Assad a surtout détruit des villes, bombardé des hôpitaux et des écoles, gazé des innocents. Selon les experts, une heure suffirait aux USA pour l’anéantir. En cas d’offensive extérieure contre elle, elle ne servirait donc à rien.

Depuis, je n’ai pas connaissance que les avions d’un quelconque Lilliput aient été efficaces contre l’attaque d’un puissant Gulliver…

La réalité impose donc cette conclusion: pour un pays de la taille du nôtre, l’aviation de combat n’est qu’un joujou inutile et coûteux.

Oh pardon! La vérité m’oblige à signaler qu’en Suisse les avions militaires ont une utilité incontestable: une fois par année, lors du World Economic Forum de Davos. Alors, l’argent des citoyens sert à protéger des milliardaires et des potentats, participant à une manifestation dont l’un des buts est l’affaiblissement, voire la disparition des Etats.

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Opinions Chroniques Michel Bühler

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