Édito

Le tabou des violences anti gay

Suisse

Comment prévenir un phénomène dont on ne connaît pas l’ampleur? Comment lutter contre? Comment éveiller les consciences si les autorités cachent la réalité sous le tapis?

Ces questions se posent alors que le Conseil fédéral a, discrètement, enterré le projet d’enregistrer les agressions homophobes. Le site alémanique Watson, repris par 360.ch, révèle qu’une majorité de cantons s’est opposée à tenir des statistiques spécifiques. «Les arguments principaux sont un rapport coût-revenu défavorable et la difficulté de fournir des données de qualité suffisante», selon l’Office fédéral de la statistique. Autrement dit, il n’est pas évident de connaître le motif d’une violence. Ce n’est pas parce qu’un homosexuel est agressé qu’il l’est forcément pour son orientation sexuelle.

Certes, la qualification d’un acte peut être délicate. Mais on y arrive bien en ce qui concerne ceux à caractère raciste ou pour la violence domestique. Surtout, l’Allemagne et plusieurs pays du nord de l’Europe recensent les agressions homophobes.

En Suisse, face aux lacunes statistiques de la police et de la justice, plusieurs associations LGBT ont mis sur pied en novembre dernier un observatoire national des violences homophobes. Une helpline a été créée pour aider les victimes dans leurs démarches, les inciter à porter plainte et recueillir des données sur les agressions. Après trois mois d’existence, une centaine de cas avaient été rapportés confidentiellement aux conseillers (insultes de rue, tabassage, mobbing…).

Les agressions homophobes ont-elles augmenté en Suisse? On peut le penser, car chez nos voisins allemands, elles ont bondi de 30% au premier semestre 2017 par rapport à la même période en 2016. Mais on ne peut que le penser. Tant qu’aucune statistique sur la fréquence et la nature de ces violences n’existera, elles passeront sous le radar de l’administration, de la police et de la politique, reléguées à des faits divers.

Pourtant, il y a du boulot. A Genève, plusieurs agressions homophobes ont été médiatisées en 2016. Une victime avait raconté au Courrier que les démarches pour faire constater la violence puis porter plainte l’avaient «presque découragé». La «lenteur» de la police est souvent relevée lors d’agressions homophobes, attestait alors Dialogai.

En refusant de mesurer le phénomène, les cantons et la Confédération le nient ou du moins en minimisent l’importance. Un message insupportable aux oreilles des victimes et des minorités sexuelles que les autorités ont le devoir de protéger.

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