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Le dérèglement climatique n’existe pas

A rebrousse-poil

La fonte de la banquise, la montée des océans, la violence des ouragans, de plus en plus fréquents, la mort prochaine de la grande barrière de corail, tout cela n’est qu’illusions. Au pire, si ces faits existent, l’activité humaine ne peut en aucun cas en être tenue pour responsable. De même, la pollution des villes, la disparition des insectes, la mort de dizaine d’autres espèces animales, la sécheresse et les incendies ne sont que l’expression de la fatalité, et l’homme n’y est pour rien.

C’est ce qu’a décrété le Potomac de la pensée, le mont McKinley de la culture, le Milliardaire suprême, l’Ubu élu qui tient dans ses mains la destinée de la nation la plus puissante de la planète, le Président des Etats-Unis, Donald Trump1 value="1">Lire à ce propos Dire non ne suffit plus de Naomi Klein, éditions Actes Sud, 2017..

Prétendre le contraire, et surtout envisager de prendre des mesures visant à ralentir ces phénomènes, voire à les maîtriser, c’est nuire à l’économie américaine, donc aux millions de travailleurs yankees réduits à la pauvreté par des décennies de gestion néolibérale, à qui le Génie des Appalaches a promis qu’on les raserait gratis, dès le lendemain de son installation à la Maison Blanche. Génie qui d’ailleurs, comme les larrons qui l’entourent, a bâti et accroît sa fortune en utilisant à son profit toutes les ficelles du néolibéralisme le plus sauvage.

Tout est normal sur le front du climat. Les innombrables études scientifiques, les constats faits depuis des années, soutient-il, ne sont que la face visible d’un complot ourdi par les fourbes Chinois, dans le cadre de la guerre commerciale qu’ils mènent contre l’Oncle Sam. Ecouter ces cris d’alarme, c’est déjà baisser la garde devant ces perfides Asiatiques qui ne rêvent que de voler des parts de marché aux doux Américains.

Il faut donc sans tergiverser ouvrir en grand les vannes des puits de pétrole, en creuser de nouveaux et plus profonds, couvrir les prairies de pipelines, exploiter le gaz de schiste, cesser de produire des véhicules peu gourmands, et consommer, consommer, consommer.

Voilà le programme du Prédateur en chef, voilà qui rendra à l’Amérique – seule – sa grandeur.

Menteur comme un arracheur de dents, frimeur tel un lutteur de foire, ce bonimenteur cynique s’inscrit dans la pure tradition des charlatans qui parcouraient l’Ouest sauvage en escroquant les pionniers naïfs, à qui ils proposaient élixir de jouvence et poudre de perlimpinpin.

Cet homme est-il fou? Si ce mot désigne un individu qui vit à mille lieues de la réalité et flotte dans son propre monde, alors: assurément.

Dangereux? Infiniment2 value="2">Voir Jérusalem la semaine dernière…, parce que puissant.

Il est surtout la quintessence, l’avatar ultime d’une génération pillarde nourrie des théories du sinistre Milton Friedman, dont les premiers élèves ont été Augusto Pinochet, Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Depuis les années huitante, de sommets du G8 en Forum de Davos, l’affirmation selon laquelle la loi de la jungle est la seule règle qui doit s’appliquer dans les relations humaines a été répandue, répétée, matraquée. L’inefficacité de l’Etat, et les bénéfices que chacun pourrait tirer de son remplacement par des organes privés ont été tant claironnés qu’ils ont fini par être admis par les principaux partis politiques, intégrés dans leurs programmes, et largement relayés par la plupart des organes de presse. Même contredites par les faits, ces croyances font maintenant partie du paysage quotidien.

S’appuyant sur ce catéchisme, Trump et ses compères se sont enrichis de façon éhontée, en massacrant la planète, sans se soucier de leurs semblables qu’ils condamnent à la précarité.

Convenir que ce système économique, outre qu’il engendre des inégalités scandaleuses, est la cause de la catastrophe qui s’annonce serait reconnaître sa responsabilité devant les générations futures. Et pour ces hommes et ces femmes qui paradent sur les couvertures de la presse people tout en planquant leur argent dans les paradis fiscaux, ce serait admettre qu’ils et elles sont, en fait, des ordures. Pas question, pour l’homme à la mèche décolorée!

Donc le dérèglement climatique n’existe pas. Enfoncez-vous ça dans la tête!

Et maintenant, pour soutenir l’économie mondiale et les quelques privilégiés qui en profitent, courons vite, sous les décorations de Noël de la zone commerciale la plus proche, faire notre plein d’essence et remplir notre voiture de gadgets qui finiront à la poubelle dans quinze jours.

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Opinions Chroniques Michel Bühler

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