Musique

L’Atlantique des rythmes

Jadis point névralgique de la traite des esclaves, le Cap-Vert revendique son identité créole et se pose en carrefour des échanges culturels. Reportage à l’Atlantic Music Expo, vitrine des artistes d’Afrique lusophone.
L'Atlantique des rythmes 6
Les rythmes du batouk étaient autrefois bannis par les colons portugais. YOURI LENQUETTE
Cap-Vert

On arrive de nuit à Praia sur Santiago, la plus grande des neuf îles de l’archipel du Cap-Vert, cœur battant de sa culture créole. Le lendemain, sous un ciel voilé, on découvre cette minuscule capitale plantée sur un bout de rocher semé au large du Sénégal. Le centre historique du Plateau domine les quartiers populaires disséminés dans les vallées, vue plongeante sur l’immense marché couvert de Sucupira.

Objectif: l’Atlantic Music Expo, marché professionnel et vitrine musicale qui se tient chaque année à la mi-avril. Une semaine d’intenses échanges qui s’achève par le Kriol Jazz Festival, un week-end de concerts qui offre la crème des musiques africaines, américaines et des Caraïbes (cette année, l’affiche comprenait entre autres le pianiste cubain Roberto Fonseca, la chanteuse et violoncelliste américano-haïtienne Leyla McCalla, et la légende du highlife ghanéen Pat Thomas).

En fin d’après-midi, sur une scène dressée dans la rue piétonne du Plateau, un groupe de femmes se déchaîne face à la foule compacte. Percussions, chant en appel et réponse, croupe frénétiquement remuée, c’est une séance de batouk, musique subversive autrefois bannie par les Portugais pour sa lascivité et sa liberté de ton. Au Cap-Vert, le passé colonial n’est jamais loin. Quand l’unique garçon du groupe se lève, noue un châle autour de sa taille et se trémousse à l’avant-scène, il déclenche les rires et acclamations de l’assistance.

Le soir, sur la place centrale, Bulimundo fait son grand retour. Légende du funaná, le groupe fondé en 1978 a incarné l’esprit de l’Indépendance, obtenue en 1975. Aujourd’hui, toutes les générations dansent sur cette variante électrifiée du funaná. Pour une variante plus «pure», se tourner vers Ferro Gaita, dont le nom associe les deux éléments clés que sont la barre de fer frottée avec un couteau et l’accordéon diatonique. Mais le Cap-Vert ne se limite pas à ses traditions: les quartiers populaires de Praia résonnent de hip-hop et d’aspirations nouvelles, à l’heure d’internet et des fruits inégalement répartis de la mondialisation.

Loin de la world music

Pour un aperçu, rien de tel que Lusafro, programme d’échange financé par des acteurs institutionnels et privés d’Allemagne et du Cap-Vert. Le centre culturel Ildo Lobo, splendide bâtisse à la façade carmin, s’est transformé en ruche et en incubateur. Des professionnels européens y rencontrent des artistes venus de toute l’Afrique lusophone, Angola, Mozambique, Guinée-Bissau, Cap-Vert, São Tomé et Principe. Sur la terrasse, ça réseaute à tout-va, CD et cartes de visite s’échangent dans un brouhaha d’anglais, portugais, français et créole.

Le planning est chargé: toute la journée, des tables rondes et workshops abordent les enjeux de l’industrie musicale, du droit d’auteur, de l’histoire des rythmes urbains, de la place des femmes. Dans la cour intérieure, les showcases acoustiques se succèdent: Lucibela rajeunit la morna, le duo suisse-malien Kala Jula de Vincent Zanetti et Samba Diabaté invite le guitariste cap-verdien Silvano Sanches, le trio brésilien Coladera fait chalouper son jazz-bossa…

On attrape au vol Daniel Haaksman, codirecteur artistique de Lusafro. Journaliste, DJ et producteur, il dirige le label Man Recordings, tête chercheuse des musiques urbaines brésiliennes et africaines. Démarche résumée par le titre de son propre album à succès African Fabrics: les tissus imprimés typiques d’Afrique de l’Ouest proviennent, à l’origine, du batik indonésien importé par les commerçants hollandais: «La circulation globale des sons procède de la même manière, par échange et réappropriation, illustre le Berlinois. Partout en Afrique, aujourd’hui, les artistes composent avec les samples et l’informatique musicale, on est très loin du folklore et de la world music.»

Revanche des anciens colonisés

Loin d’être homogène par sa langue et son passé colonial, l’Afrique lusophone est un kaléidoscope de particularismes, avec des références communes. «Depuis quelques années, l’internet à haut débit a ouvert les vannes, décloisonnant une infinité de scènes locales. Si le Brésil, puissance économique de 200 millions d’habitants, inonde depuis longtemps le Mozambique et l’Angola de sa musique et ses telenovelas, l’inverse est une vraie révolution: les rythmes kizomba et kuduro déferlent désormais sur les pistes de danse brésiliennes et portugaises. C’est en quelque sorte la revanche des anciens colonisés.» Certains détails croustillants ne s’inventent pas: lors d’une table ronde de Lusafro, le chorégraphe et producteur pionnier Tony Amado a raconté comment il s’était inspiré du film Kickboxer de Jean-Claude Van Damme pour inventer le kuduro (littéralement «cul dur»).

Une alternative excitante à la culture globale dominée par les Anglo-Saxons est en train d’émerger. Le monde lusophone représente près de 400 millions de personnes. Et l’Afrique, plus jeune des cinq continents, comptera bientôt 2 milliards d’habitants; dans l’immense majorité des pays africains, 50% de la population est âgée de moins de 20 ans. Le développement de la connexion à haut débit et le relais des diasporas mondiales façonne une nouvelle carte culturelle dont les pôles se nomment Luanda, Lagos, Johannesburg.

La génération montante

Retour sur la place Luís de Camões, pour les showcases de Lusafro. Devant un public clairsemé, les représentants des nouvelles tendances urbaines ont à cœur de convaincre en y mettant leurs tripes. Batchart, rappeur de Mindelo, relève le défi, Daniel Haaksman est aux platines. «Bonsoir. Ce que vous allez entendre n’est ni du funaná ni du batouk, mais c’est intéressant quand même!» Sur des beats lourds et une trame r&b à l’américaine, le rappeur balise le terrain pour Mister Santos, Portugais de Stuttgart qui scande en allemand, suivi de Nissah Barbosa, jeune Cap-Verdienne qui alterne flow percutant et mélopées soul à la Beyoncé.

Entrée en scène de l’emblème du rap créole contestataire Helio Batalha. Son débit d’abord mesuré monte en puissance, jusqu’à un final en transe. On reconnaît les mots «Babylone», «émancipation», «grandir»… Stature imposante, béret multicolore et gestuelle rodée, Batalha convainc par sa prestation habitée. Et ce n’est pas fini, car la Mozambicaine Dama do Bling, dont le propos a résonné très fort lors d’une table ronde sur les femmes musiciennes en Afrique (lire ci-dessous), met le feu en mitraillant ses rimes et en prenant possession de la scène avec fougue.

On retrouve Cisina et Dona Fica, du groupe de batouk Tradison di Terra. Douze femmes et un garçon qui se réunissent chaque jour après le travail chez Dona Fica, la «présidente», pour répéter. Une boule de tissu recouverte de cuir ou de plastique, calée entre les jambes et frappée à mains nues. Une femme chante, les autres reprennent en chœur, les percussions composant un motif polyrythmique, une mesure paire sur une mesure impaire. A tour de rôle, les femmes nouent un châle autour de leur taille et frétillent du bassin. Tradison di Terra a tourné au Sénégal, au Brésil, en Algérie.

L’album Mudjer Cabo-verdiana paru l’an dernier rend hommage à la femme cap-verdienne et aux travailleuses en particulier. Amies et voisines originaires du même quartier populaire de Praia, allant de la vingtaine à 60 ans ou plus, ces percussionnistes du soir sont femme au foyer, employée de maison, vendeuse de poisson ou serveuse dans un bar. Leurs textes parlent des problèmes du quotidien, l’argent, la famille, la nostalgie de la campagne, ou encore les éruptions volcaniques qui ravagent régulièrement l’île voisine de Fogo.

La rumeur des synthés

On brûlait de questionner les vétérans de Bulimundo et on est servi: le groupe débarque au complet pour l’interview, à onze musiciens. Heureusement, il a un porte-parole, Duka, claviériste aux idées arrêtées: «Face au déferlement des musiques urbaines, le public, y compris jeune, est demandeur de rythmes plus traditionnels, qui expriment ses racines.» En électrifiant son funaná et en y ajoutant des synthétiseurs, il a inoculé le virus aux citadins. Comme le batouk, cette musique était proscrite par les colons: «Le funaná était réservé aux gens des campagnes, ignoré des élites qui le méprisaient et considéraient ses textes comme la poésie du pauvre, éclaire Silva, bassiste historique. En réalité, il s’agissait de nier l’identité créole, trop africaine.»

En 1988, la mort du leader charismatique Carlos Martins, dit «Katchas», a interrompu la carrière de Bulimundo. Jusqu’en 2006 quand le groupe s’est reformé pour des festival, s’offrant même une virée aux Etats-Unis. Si des plateformes comme l’Atlantic Music Expo avaient existé il y a trente ans, le sort de Bulimundo aurait-il été différent? «Incontestablement. Sans relations dans le métier et à l’étranger, il était difficile de percer à l’époque.» Le producteur du groupe anglais Police, croit savoir Duka, avait flashé sur le funaná de Bulimundo lors d’un séjour à Lisbonne dans les années 1980. Bulimundo a enregistré quantité de disques, sans connaître le succès de Cesaria Evora. Ses membres, pères de famille, voire grands-pères, ont maintenant des enfants adultes. Tout redevient possible.

Avant de prendre congé, on s’enquiert de cette rumeur concernant les synthétiseurs du Cap-Vert. En 1968, ils auraient été récupérés après le naufrage d’un navire américain chargé de livrer à Rio sa cargaison de claviers Korg, Moog et autres orgues Hammond. 1>Inventée de toutes pièces, l’histoire est détaillée dans le livret de l’excellente compilation Space Echo – The Mystery Behind the Cosmic Sound of Cabo Verde Finally Revealed!, éditée par Analog Africa (2016). Ecouter aussi Synthesize the Soul: Astro-Atlantic Hypnotica from the Cape Verde Islands 1973-1988, Ostinato Records (2017). Hilarité générale. «Les Cap-verdiens sont un peuple d’émigrants. On a tous un parent en Europe ou aux Etats-Unis, voilà comment on s’est procuré nos instruments!»

Héritier de Mario Lucio

Le Freedom Café domine la grande plage de Gamboa, vue imprenable sur l’îlot de Santa Maria, mais aussi sur le chantier du futur casino (lire ci-dessous). Nous avons rendez-vous avec deux jeunes musiciens aux registres radicalement différents. Folk aux influences bossa d’un côté, rap conscient de l’autre. Alberto Koenig, guitariste et chanteur, s’apprête à sortir son deuxième album, Natural. Il a de qui tenir: son père est Mario Lucio, star de la musique cap-verdienne, ancien membre du légendaire groupe Simentera, devenu député, puis ministre de la Culture (2012-2016). Big Z Patronato, lui, est un rappeur des quartiers populaires comme Batchart et Helio Batalha.

Anglais impeccable, charisme et discours maîtrisé, Alberto Koenig a l’assurance de ceux qui n’ont manqué de rien. «J’ai étudié l’architecture au Brésil où j’ai retrouvé un peu de la morabeza, la douceur de vivre du Cap-Vert. Le destin des habitants de notre petit pays semble être l’exil, ce qui a donné la morna, cette musique nostalgique popularisée par Cesaria Evora.»

On est frappé par l’unanimité ­autour des figures tutélaires, sans la fracture générationnelle qu’on ­observe habituellement. «L’attachement à nos racines est dû au fait que nous sommes une toute jeune nation, émancipée après cinq siècles de colonisation.» C’est à Cuba qu’Alberto Koenig a vu le jour, en 1988, «quand le régime castriste fonctionnait encore». Son père avait pris le parti de s’immerger dans le métissage afro-cubain, pour apprendre. Une ouverture ­qu’Alberto perpétue aujourd’hui: «Je ne catégorise pas les musiques, j’écoute ce qu’elles ont à dire. Le rap, par exemple, peut être un outil de changement social.»

Fléaux du mal-développement

On se tourne vers Big Z Patronato. Son quartier Ponta d’Agua, berceau du rap de Praia, sépare l’aéroport du centre-ville. Son clip «Maria» parle de violence domestique. «Ma mère en a souffert, je me devais d’en parler. Les victimes peuvent s’en sortir, il existe des structures pour ça.» En moins d’un mois, ce clip a comptabilisé 60 000 vues sur YouTube, un chiffre important à l’échelle cap-verdienne. Drogue, alcoolisme, violence, sida, les fléaux du mal-développement frappent ces banlieues où se concentrent l’exode rural et la migration forcée. Nulle trace de cette misère dans l’enceinte du Kriol Jazz, mais tout autour, on croise des mendiants estropiés et marchands de rue. Le Cap-Vert, terre aride boudée par la pluie et pauvre en ressources naturelles, n’offre que peu de débouchés.

Alberto Koenig le sait, mais pour lui, les Cap-Verdiens souffrent aussi d’un blocage mental. «J’ai une chanson qui s’appelle ‘Autopilot’ et qui parle de ça. Il est temps de révolutionner nos mœurs, et c’est possible dans un pays de la taille du Cap-Vert. Mais le changement doit venir de la base, pas du cabinet du premier ministre. Ce pays qui a lutté pour son indépendance devrait avoir de l’ambition pour sa jeune génération.»

Ses rêves, Elida Almeida les a longtemps caressés avant de les réaliser. La nouvelle protégée de José da Silva possède une voix chaude, légèrement éraillée. On s’attable avec elle au Quintal da Musica, restaurant réputé et haut lieu des concerts. La jeune chanteuse vient de vernir à Paris son EP Djunta Kudjer, expression créole qui signifie partager un plat. Originaire de Pedra Badejo, sur la côte Est de Santiago, Elida Almeida a perdu son père très jeune et a dû travailler sur les marchés. «Je chantais dans les bars la nuit, la musique a toujours été présente.»

Elle a étudié la communication à l’université. Mère à 16 ans, elle aimerait transmettre son expérience aux jeunes, pour accroître leurs chances. Simplicité, chaleur, présence, Elida Almeida a l’étoffe d’une grande. Une chose à laquelle elle ne renoncera pas: le créole. «L’autre jour, à la TV portugaise, on m’a demandé pourquoi je ne chantais pas en portugais, car on ne comprenait pas les paroles. Ils n’y a qu’à chercher les traductions, elles sont sur mon site.»

La reine du rap mozambicain est diplômée en droit

Ivânnea da Silva Mudanisse est née en 1979 à Maputo. Elle a étudié sur les bancs de l’université avant de devenir Dama do Bling en 2007. Faire carrière dans le rap est un choix qu’elle a d’abord dû justifier. Plus aujourd’hui: ses tubes et collaborations avec des superstars panafricaines comme le Nigérian Sasha P, la Kényane Yvonne ou le Sud-Africain Bleksem l’ont rendue populaire sur tout le continent. Lors d’une table ronde sur la place des femmes dans la musique, sa conviction a résonné avec force.

«Mes parents voulaient une avocate à la maison, mais je rêvais d’autre chose. Après quelques stages en entreprise, j’ai voulu passer de l’autre côté.» Dama do Bling rappe sur la beauté des femmes rondes, aborde des questions douloureuses comme la prison, les ­maris qui découchent, la xénophobie à l’égard des immigrés – notamment mozambicains – en Afrique du Sud. «Mes études ont structuré mes idées. Je veux sensibiliser dans la joie, ouvrir des débats. Avec un micro, une voix peut porter loin.»

La rappeuse s’engage pour l’éducation dans les provinces rurales, prônant l’égalité des chances contre le mariage et la maternité précoces. «Trop de parents font pression sur les filles pour préserver leur virginité et obtenir un bon mariage. Elles doivent aider aux tâches domestiques alors qu’on exige d’elles les mêmes résultats scolaires que les garçons.» Sa conclusion récolte une ovation: «J’ai un diplôme, personne ne me l’enlèvera. Personne ne peut dire que je suis assise ici par hasard.» RMR

«La culture est un enjeu économique»

A Santiago, José da Silva est le ministre officieux de la Culture. Trente ans après avoir lancé la carrière de Cesaria Evora, il dirige le Kriol Jazz Festival et ­l’Atlantic Music Expo. En 1987, aiguilleur à la SNCF, il tombe de sa chaise dans un restaurant de Lisbonne en entendant la voix de Cesaria Evora. L’interprète de «Sodade» a alors 46 ans, inconnue du grand public. La suite appartient au patrimoine cap-verdien: José da Silva fonde en 1988 le label Lusafrica, écoule des quantités industrielles d’albums de La Diva aux pieds nus, puis ceux de Mario Lucio, Teofilo Chantre, Tcheka, suivis aujourd’hui par Lura, Lucibela et Elida Almeida.

En 2009, José da Silva crée le Kriol Jazz Festival, un carrefour des métissages chers au cœur de son ami Mario Lucio, star de la musique capverdienne et ministre de la Culture de 2012 à 2016. L’Atlantic Music Expo, leur initiative commune, s’y ajoute en 2013 et devient un rendez-vous incontournable pour les professionnels. «L’enjeu est économique et le gouvernement l’a bien compris, il soutient l’AME malgré l’alternance politique.» En 2016, le MDP libéral a mis fin à quinze ans de règne du PAICV socialiste, parti historique de l’Indépendance. Festival de musique, vitrine, développement, l’image est belle. Certaines voix discordantes disent qu’une fois les festivités closes, tout redevient comme avant. «C’est vrai en partie, mais les artistes doivent aussi se remettre en question, s’améliorer pour accéder au marché international. Tous les Cap-Verdiens que nous avons programmés ont donné d’excellents concerts. Et nous invitons des labels et des agents pour créer des opportunités. L’AME et le Kriol Jazz font travailler des entreprises locales et les commerçants locaux, mais nous ne pouvons pas tout faire.»

C’est vrai, le Cap-Vert, pauvre en ressources naturelles, a besoin d’investisseurs et de développement durable. Pas sûr que la verrue qui s’apprête à défigurer le littoral de Praia soit l’exemple à suivre: les travaux de ce gigantesque complexe d’hôtel, casino et bureaux ont commencé. Devisé à 250 millions de dollars, il doit faire de Praia le Phuket de l’Atlantique, selon le souhait de l’investisseur chinois qui a bénéficié de largesse fiscales exceptionnelles et d’une exclusivité nationale sur les paris sportifs.

Milieu musical beaucoup plus compétitif

Côté industrie culturelle, le tableau est contrasté. La crise du disque a forcé José da Silva a restructurer son réseau de diffusion dans l’archipel (Harmonia a fermé plusieurs de ses enseignes) et Lusafrica a nettement réduit la voilure, ne publiant que trois ou quatre albums par an. «Le milieu musical est devenu beaucoup plus compétitif, on doit apprendre très vite. En même temps, avec le développement d’internet et des réseaux sociaux, tout devient possible n’importe où. On va voir émerger des artistes africains qui ne rêveront pas d’une carrière aux Etats-Unis.»

José da Silva sait de quoi il parle: depuis janvier, il dirige l’antenne de la major Sony Music à Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire. Un nouveau défi. «Pour mettre la puissance d’une major au service des artistes africains, Sony a regardé les chiffres: l’Afrique atteindra 700 millions d’abonnés mobiles à la fin de l’année. Mais les albums ne se vendent pas, ils sont piratés. Nous allons adapter les prix et développer les musiques urbaines pour la jeune génération.» RMR

Notes[+]

Pour réaliser ce reportage, Le Courrier a été invité par l’Atlantic Music Expo. Merci à toutes les personnes qui ont assuré l’organisation des entretiens et la traduction simultanée du créole dans certains cas. www.atlanticmusicexpo.com

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