Actualité

Les socialistes espagnols retrouvent une boussole

Espagne

C’est un véritable séisme qui vient de secouer le vénérable Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Plébiscité ce week-end par la base, Pedro Sánchez est de retour à la tête de la formation à la rose, moins de huit mois après avoir été débarqué du poste de secrétaire général par un houleux Comité fédéral.

Un peu comme Jeremy Corbyn confronté l’été dernier à une révolte des élites du Labour, le Madrilène a reconquis sa formation, seul contre tous ses barons, en défendant une ligne de «retour à gauche» et une opposition frontale à Mariano Rajoy. Dans un contexte de forte participation, le franc-tireur a distancé de plus de dix points la favorite Susana Díaz, héraut de la «gauche qui veut gouverner» et patronne de la puissante fédération andalouse, dernier bastion d’un socialisme espagnol en déroute depuis le naufrage de José Luis Rodriguez Zapatero et l’émergence de Podemos.

Comment le pâle Pedro Sánchez, expédié par ces mêmes barons à la tête du PSOE en 2014 pour faire barrage à la gauche du parti, puis battu deux fois aux législatives de 2015 et 2016, peut-il incarner aujourd’hui le renouveau d’un socialisme combatif? Dirigeant attentiste, sans grande épaisseur, Pedro Sánchez aura eu besoin de ce putsch de l’establishment du PSOE, le 1er octobre dernier, sous les lazzis de militants effarés, pour se révéler en leader politique. Ecarté à cause de son refus de voter au parlement l’investiture de Mariano Rajoy et pour ses tentatives, pourtant timides, de composer un gouvernement alternatif, Pedro Sánchez avait alors révélé aux militants socialistes ce qu’était devenu leur parti: un club de notables sclérosé.

Face aux défis posés par les nationalismes périphériques et à la montée en force d’une nouvelle gauche, rajeunie, urbaine et radicalisée par la crise, le PSOE s’affichait en parti conservateur, tenu en laisse par des clientélismes locaux, des lobbies économiques et de vieilles gloires agissantes. Une constellation qui prônait le statu quo confortable des institutions de la Transition plutôt que leur réforme. Qui préférait le soutien «contraint» à la politique du Parti populaire (PP) plutôt que le risque de renverser la table, pour trouver de nouveaux équilibres, sociaux et institutionnels. Après trente ans de scénarisation à outrance de l’opposition entre le PP et le PSOE, la soudaine reddition des députés socialistes devant une droite gangrenée par l’affairisme et la corruption n’est jamais passée auprès des militants.

Persuadée que la défaite de Benoît Hamon confortait ses thèses centristes, plébiscitée par les médias, Susana Díaz n’a pas senti arriver la lame de fond. Dans son entêtement, l’aile droite du parti a refusé de voir que l’Espagne de 2017 n’est plus celle des années 1980-2000, que le PSOE réduit à ses bastions castillans et andalous ne règnera plus seul sur la gauche. Et que le vrai pragmatisme, le seul chemin pouvant ramener les socialistes au pouvoir passe par une alliance de toute la gauche. A l’instar de celle qui gouverne le Portugal depuis plus d’un an avec un certain succès. I

International Opinions Actualité Édito Benito Perez Espagne

Connexion